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Traduit de l'arabe par Jean-Charles Depaule et Lotfi Nia.
Ghassan Zaqtan a été accueilli en résidence au cipM durant trois mois de l'année 2006.
Les poèmes égrènent des noms de lieu, souvent avec des dates. On pressent que Ghassan Zaqtan a beaucoup marché. Noms de villages, de villes, de faubourgs. Une photo égarée, la maison à Bayt Jala, – la naissance, l’enfance en Palestine quittée en 1967 – et d’autres maisons, ce sont celle de la voisine, la demeure des cactus, les chambres, le couloir de la cuisine à Amman, le plâtre qui s’effrite sous l’auvent de la porte et aujourd’hui, à Ramallah, la table où ont été posées des lettres inachevées. Zaqtan est rentré en Palestine en 2004, la boucle serait bouclée.
Le lisant, immanquablement je me représente Ghassan, me rappelle l’avoir entrevu sans trop y réfléchir, qui chemine à Marseille ou Paris : il prend ses marques, identifie ses repères, reconnaît circulations et réseaux. Parti, revenu, qui s’arrête à l’heure d’un rendez-vous, Ghassan en ville, dehors et au-delà. Et accomplit des sauts que les moyens de communication réputés immatériels rendent possibles par-dessus la mer, les barrages en dur et les frontières closes. Drôle de promeneur, avec une aptitude à s’orienter et frayer sa route qui est sans doute une part du métier de l’exil.
[…] Jean Charles Depaule, extrait de ‘ ‘ ‘ Pour saluer Zaqtan ‘ ‘ ‘, postface à Suppléments au passé, Ghassan Zaqtan
extrait :
La photo de la maison à Bayt Jala
Il lui faut revenir fermer cette fenêtre
ce n’est pas évident du tout
s’il lui fallait faire cela
pour des raisons qui n’étaient plus évidentes maintenant qu’il l’avait égarée
il semblait qu’un trou s’était ouvert quelque part en lui
Fermer les brèches l’a épuisé
renforcer les clôtures
frotter les vitres
nettoyer les châssis
guetter la poussière qui maintenant qu’il l’avait égarée
semblait amener ses souvenirs vers des guet-apens et des pièges
D’ici son enfance semble un guet-apens
Vérifier les portes
les vantaux des fenêtres
et l’état des plantes l’a épuisé, complètement,
et ôter la poussière
qui, maintenant qu’il l’a égarée,
n’a cessé de s’engouffrer dans les chambres
dans les lits les draps les vases
et les cadres des photos aux murs
Maintenant qu’il l’a égarée il vient s’asseoir dans les maisons de ses ses amis, qui se font rares
il dort dans leurs lits qui rétrécissent
et la poussière ronge ses souvenirs « là-bas »
... Il lui faut revenir fermer cette fenêtre
la fenêtre que d’ordinaire il oublie en haut de l’escalier qui conduit à la terrasse
Maintenant qu’il l’a égarée
il marche sans raison
les petits objectifs de la journée non plus ne paraissent pas évidents

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